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  • Samedi 8 mars : Vous aimez New-York ? Vous êtes fascinés par le New-York des années 20 ? Vous aimez Scorcese, Al Pacino, les gangs, les mafieux ? Lisez la chronique d'Anne sur "Le gang des rêves".

    Le gang des rêves - Luca Di Flavio Editions Slatkine et Cie Chronique d'Anne : C'est René qui a offert ce livre à Karine, en général Karine n'aime pas les livres que René lui achète, mais moi je trouve qu'elle a quand même de la chance Karine d'avoir un mec qui lui ramène des livres, Enfin bref, sur la première page de ce livre, il est noté : Karine/ super. Ce livre, impossible de ne pas s'arrêter dessus, et comme on a un site à alimenter et bien je vais aller au delà de cette gêne que j'ai de chroniquer les livres que je lis, exercice pour lequel je ne me sens ni à l'aise ni légitime. On y va. Vous aimez New-York ? Vous êtes fascinés par le New-York des années 20? Vous aimez Scorcese, Al Pacino, De Niro, les gangs, les mafieux? Vous avez vu et revu le Parrain? Alors foncez, ce livre est pour vous. D'abord c'est l'Italie, la pauvreté du tout début du 20ème siècle, celle des riches patrons qui exploitent des familles entières les faisant travailler sur leurs terres, disposant d'eux et d'elles comme et quand bon leur semble. Les pauvres appartiennent aux riches, c'est comme ça. Sauf pour Cetta, car c'est surtout l'histoire de cette toute jeune fille, qui décide de quitter ce bout de terre d'Italie avec son bébé, Christmas, pour aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs et rêve d’une autre vie à New-York. Elle fera comme elle peut, car la messe sera dite dès son arrivée au bureau fédéral de l'immigration, à Ellis Island. Elle n'imposera qu'une seule chose: garder avec elle son enfant. ELLE, pourra tout supporter, s'accommoder de tout car jamais elle n'aura de regrets. Elle veut que son fils, sa raison de vivre, soit américain. C'est son seul et unique objectif. C'est un conte sur les rêves et les désillusions de l'immigration. Tout est tragédie, certaines scènes sont d'une extrême violence, mais tout est aussi espoir, détermination, joie, sensibilité, entraide, résilience. On croisera des juifs, des Irlandais, des Italiens bien sûr, un lien mère fils magnifique et indestructible, des proxénètes qui nous feront succomber tant ils ont le coeur tendre sous leur lourde carapace, on aura peur pour Christmas qui surfera sur de bonnes et de mauvaises vagues. On sera aussi projetés dans la décadence et l'ultra violence des débuts du cinéma porno à Hollywood rendant la lecture de certaines scènes à peine supportables tant la cruauté envers les femmes est à son état brut. C'est aussi le début de la radio qui fascinera très vite Christmas à qui sa mère a tant et tant raconté. Enfin, c'est l'histoire d'un sauvetage et d'une très très belle histoire d'amour mais je ne voudrais pas non plus vous en raconter trop, seulement assez pour vous mettre l'eau à la bouche.

  • Samedi 1er mars : une plongée romanesque dans un monde de révolte et de liberté. Suivez la chronique de Mathieu.

    Drapeau noir - Dominique Maisons Editions La Martinière Chronique de Mathieu : Je vous partage un grand plaisir de lecture romanesque à la fois riche, intense et passionnante. Nous sommes dans le Paris de l’entre deux guerres et nous allons suivre le parcours d’un jeune homme aspirant écrivain dans sa découverte d’un monde plus vaste et complexe qu’il n’imagine. L’intrigue mêle tout ce qu’on peut attendre d’un roman classique, l’amour, la quête de soi, l’Histoire, la politique,… Il y a aussi de belles surprises avec des personnalités historiques qu’on est heureux de croiser. Un régal ! La langue est à la hauteur de l’ambition du roman, à la fois juste et touchante, le tout avec une pointe d’humour pour compenser la dureté de l’histoire. Un éclaircissement pour celles et ceux qui seraient rebutés par un roman évoquant les mouvements anarchistes de la première moitié du XXe. L’anarchisme évoque souvent au prime abord la violence, mais on est vite détrompé. Les anarchistes défendaient déjà il y a un siècle, l’égalité, le féminisme, le respect des animaux, la liberté… RDV sur notre Quai des Livres

  • Samedi 8 février 2025 : Jean Echenoz, en virtuose stylistique, revient en très grande forme avec son nouveau roman, Bristol : comédie décalée où se mêlent fantaisie et mélancolie. Jubilatoire !

    Bristol - Jean Echenoz Editions de Minuit Chronique de Vincent : Jean Echenoz n’écrit pas des histoires. Il les construit, les sculpte, les décortique – sans prétention, sans lourdeur, mais avec une précision chirurgicale. Bristol est le parfait exemple de cette œuvre d’orfèvre, où le banal et l’extraordinaire s’entrelacent pour nous présenter un univers à la fois familier et complètement décalé. Prenons cette scène particulière : Robert Bristol, cinéaste désabusé, observe depuis un café la pluie ruisseler sur les vitres. La scène pourrait être banale, mais chez Echenoz, elle devient un tableau mouvant. La goutte d’eau n’est pas une simple goutte : « Une bille transparente, vacillante, se risquait sur la vitre, hésitait, s’étirait en un trait tremblant avant de disparaître dans le vide. » Ce détail infime est porteur d’une mélodie silencieuse, le reflet d’une vie qui s’écoule sans fracas, mais avec toute l’intensité du non-dit. Echenoz excelle dans l’écriture du geste, du quotidien. Pas besoin de longues descriptions : une chaise bancale, un parapluie oublié, un regard absent suffisent à raconter le vide ou le chaos d’une vie. Il utilise un vocabulaire minimaliste, précis, où chaque mot compte. Cette écriture réduite à l’essentiel offre un contraste saisissant avec les thèmes profonds qu’il aborde : le sens de l’art, la solitude, les dérives de la création. Dans Bristol, les personnages secondaires gravitent autour de Robert, apportant chacun une étincelle de contraste : le producteur cynique, la jeune actrice pleine d’illusions, ou encore l’assistant maladroit. Echenoz ne s’attarde jamais sur eux, mais quelques mots suffisent à les camper avec une profondeur déconcertante. Un sourire forcé, une chemise mal boutonnée, un tic de langage – tout cela fait d’eux des personnages inoubliables. Les péripéties des personnages en Afrique, outre le fait qu’elles sont hilarantes, résonnent à la manière d’une métaphore des doutes et errances de Robert Bristol lui-même. En explorant le milieu du cinéma, ces scènes permettent une réflexion subtile et ludique sur le processus de création artistique. Avec l’humour et l’extraordinaire qui teintent cette mise en abyme, Echenoz nous plonge dans un récit qui déjoue les conventions. Rien n’illustre mieux ce côté burlesque que le personnage du commandant Parker. Présenté comme une brute épaisse à la tête d’une milice, il dévoile rapidement un penchant insoupçonné pour le cinéma d’auteur, citant Fassbinder et Werner Schroeter avec une passion désarmante. Ce décalage, à la fois comique et délicat, illustre à merveille l’art d’Echenoz : faire surgir l’improbable là où on l’attend le moins, transformer une banalité en une étincelle narrative. L’une des scènes qui m'a le plus frappé, par son humour discret et son décalage, est celle du coït entre l’inspecteur et la voisine de Bristol. Alors que la tension monte (on pourrait dire que l’élastique se tend), que les gestes s’enchaînent avec une rapidité autant sensuelle que burlesque, Echenoz choisit de couper net, interrompant l’action par un fondu noir. Ce choix narratif, à la fois minimaliste et elliptique, transforme une scène attendue en une anti-scène, jouant sur les attentes du lecteur tout en désamorçant la tension avec une légèreté déconcertante. A l’inverse, il peut s’attarder longuement sur des scènes d’apparence insignifiantes. La scène où l’on adopte le point de vue d’une mouche dans le bureau de Bristol, décrite avec minutie sur deux pages, en est l’exemple parfait. Cette fluidité temporelle, loin de dérouter, invite le lecteur à apprécier les détails les plus infimes, tout en redéfinissant les attentes qu’on pourrait avoir d’un récit linéaire. Bristol est une danse entre la précision stylistique et une liberté déconcertante. Une invitation à regarder différemment les détails de la vie, à écouter le silence, à savourer l’ironie douce de l’existence. Chez Echenoz, rien n’est en trop, rien n’est laissé au hasard, et pourtant tout semble flotter, libre. Une leçon d’écriture, et une leçon de vie. Retrouvez toutes nos chroniques ci-dessous :

  • Samedi 22 février : embarquez à bord du sous-marin jaune avec Pierre.

    Mon sous-marin jaune - Jón Kalman Stefánsson Christian Bourgeois Editeur Chronique de Pierre : En refermant « Mon sous-marin jaune » de Jón Kalman Stefánsson, j’ai immédiatement attrapé mon crayon pour rédiger une chronique tant j’avais hâte de partager avec vous mon enthousiasme pour ce livre (j’ai également fait ou failli faire deux folies que vous découvrirez si vous parvenez à me lire jusqu’au bout !). N’ayant pu achever l’article d’un seul trait, je décide quelques semaines plus tard, par souci de cohérence, de repartir d’une page blanche. Mais qu’il s’agisse de court terme ou de terme moyen, le constat ne varie pas d’une once, le roman est bon, excellent même. Pourtant, les choses n’étaient pas très bien engagées, d’une part parce que le livre m’avait été offert (qu’il soit dit ici que je n’aime pas ne pas choisir mes bouquins !), d’autre part en raison de sa couverture d’un goût douteux, et enfin parce qu’aussi fan puissé-je être des Beatles, le pitch me laissait totalement perplexe. Il m’aura donc fallu quelques mois avant que je ne daigne ouvrir (et me mettre à) l’ouvrage. Avant de vous en dire davantage, laissez-moi vous prodiguer chers lecteurs, un conseil. Si au départ vous rencontrez quelques difficultés à vous acclimater au récit, persévérez ! Oui, persévérez, vous ne le regretterez pas, car ce roman aux abords foutraques est en fait conçu comme une investigation psychologique du narrateur, avec des allers et des retours successifs sur des faits qui ont marqué son enfance. Ce narrateur, qui n’est autre que JK Stefánsson lui-même, tente de consoler une bonne fois pour toute l’enfant qui, pour supporter la mort de sa mère, un père dysfonctionnel et la solitude, se réfugie dans un abri, son sous-marin jaune (mais de quoi s’agit-il ? Vous le découvrirez…). Donc oui, ça surprend au début, ça déstabilise même, mais par pitié faites-moi confiance, persévérez. Ce qui impressionne dans ce livre, c’est la beauté de la langue, aussi pure que les paysages bruts de la côte de Strandir que survolent les sternes arctiques. C’est la poésie subtile de l’enfant qui rêve pour tromper la solitude et adoucir les assauts de la réalité. C’est l’intelligence de JK Stefánsson qui repasse et distille ses souvenirs, non sans humour, pour triompher de la mort. Aussi je vous le dis (enfin), vous achèterez deux choses en refermant ce livre : un autre roman de JK Stefánsson et un billet d’avion pour l’Islande. RDV sur notre quai des livres :

  • Samedi 15 février : une subtile partie d'échecs sentimentale... Céline vous parle d'Intermezzo, le dernier roman de Sally Rooney.

    Intermezzo - Sally Rooney Editions Gallimard Chronique de Céline : Vous connaissez sûrement cet état : plein hiver, période morose où les interactions sociales se font rares, et ce besoin vital de rencontrer des personnages auxquels s'attacher et avec lesquels vivre intensément le temps d’un week-end. Dans ces moments-là, plutôt que dans une série, c’est dans un bon livre que je trouve mon salut. Ayant adoré les précédents romans de Sally Rooney, j'ai décidé de me plonger dans son dernier ouvrage, "Intermezzo". Excellent choix ! Il est vrai que j'aurais pu opter pour un cadre plus ensoleillé que Dublin et sa campagne, mais en termes d'humanisme et de sensualité, j'ai été comblée. Le roman commence par les retrouvailles de deux frères à l'occasion de la mort de leur père. Nous suivons alors leurs tourments. Peter, avocat trentenaire et séducteur, déchiré entre deux amours : Sylvia, son amour de jeunesse, et Naomi, une jeune étudiante dont il subvient aux besoins. Et son petit frère Ivan, hypersensible, solitaire et prodige des échecs, bouleversé par sa rencontre avec Margaret, de 14 ans son aînée. Les deux frères se retrouvent à un moment charnière de leur vie, marqué par le deuil, bien-sûr, mais également par des choix cruciaux à faire. Comme toujours avec Sally Rooney, les relations amoureuses complexes sont au cœur du récit et bien que les enjeux abordés soient contemporains (polyamour, importance du consentement, etc.), ils conservent une dimension profondément universelle. Les deux frères vont-ils se rapprocher ? Peter parviendra-t-il à choisir entre Sylvia et Naomi ? L'histoire entre Ivan et Margaret va-t-elle perdurer ? Autant de questions classiques, dans la vie comme dans les romans, explorées ici avec une grande finesse et portées par des personnages très vivants. J’ai été touchée par les premiers émois, les belles scènes de sexe, ainsi que par la sincérité des personnages dans leurs confusions et leurs vulnérabilités. J'ai délibérément ralenti ma lecture pour prolonger mon immersion dans les méandres des âmes des personnages. On les suit tout au long de leurs réflexions, et c’est passionnant. Je me suis sincèrement attachée à eux, j'ai ressenti leurs émotions intensément et mon cœur s'est serré pour eux. Un roman d'une grande sensibilité. RDV sur notre quai des livres :

  • Samedi 1er février 2025 : Hommage à David Lodge - Jeu de société - Chronique de Delphine

    Jeu de société - David Lodge Payot & Rivages Chronique de Delphine : Actualité oblige, je n’ai eu qu’à tendre la main vers ma pile de livres pour attraper « Jeu de société », de David Lodge. J’avais déjà lu « Changement de décor » et « La vie en sourdine », deux romans qui m’ont laissé un souvenir de plaisir de lecture intense et d’amusement. Je n’ai pas été déçue par « Jeu de société » paru en 1988. David Lodge raconte la rencontre, presque contre nature, d’un directeur d’une entreprise industrielle et d’une universitaire, spécialiste de littérature anglaise. Tout les oppose mais ils sont contraints de passer ensemble une journée par semaine. Victor Wilcox est marié et père de famille, dépité par le parcours de ses enfants, qui ne pensent qu’à s’amuser et à consommer. Son mariage ressemble davantage à une cohabitation qu’à une réelle vie de couple. Robyl Penrose, quant à elle, passe la plupart de son temps dans ses livres, à préparer ses cours et à enrichir sa réflexion. Elle entretient une relation quasi platonique avec son homologue universitaire masculin. Des clichés, pensez-vous ! Mais c’est justement ce qui fait la réussite de Lodge. Il déconstruit des deux côtés les représentations qu’ils ont l’un de l’autre. En effet, chacun des deux personnages va faire connaissance avec un monde qui lui est totalement étranger et qu’il méprise au fur et à mesure qu’il le découvre, tout en prenant conscience des travers de sa propre pensée... Tout cela pour mieux faire évoluer le point de vue de chacun. Cela donne lieu à des situations et des dialogues franchement drôles. Lodge nous livre une double critique, celle d’un monde universitaire, très condescendant vis-à-vis de ce qui n’est pas « intellectualisé » et celle du monde de l’entreprise qui fait peu de cas des conditions de travail des ouvriers, le profit étant le seul objectif. Il aborde également des questions sociétales : le féminisme, l’évolution du couple et du modèle familial, tout cela dans un contexte de crise au Royaume Uni encore dirigé par la dame de Fer. Retrouvez nos chroniques ci-dessous

  • Samedi 7 décembre : Voyage, voyage... dans l'espace - Chronique de Vincent

    La tragédie de l'orque - Pierre Raufast - Ed. Aux forges de vulcain La tragédie de l'orque - Pierre Raufast Editions Aux forges de vulcain Chronique de Vincent : Il y a des auteurs que vous êtes prêt à suivre presque les yeux fermés, même lorsqu’ils font un pas de côté pour changer radicalement de genre littéraire. Pierre Raufast fait partie de ces écrivains-là. Habitué à ses fantaisies dans des romans gigognes jubilatoires ayant souvent pour cadre la campagnarde vallée de Chantebrie, j’ai été surpris d’être transporté d’un coup à des millions d’années-lumière de la Terre à bord de vaisseaux spatiaux appelés les ORCA dans un roman dit « Hard-SF », terme que je connaissais d’autant moins que la Science-Fiction n’est franchement pas ma tasse de thé. Mais après tout la définition de la gravitation est l’attraction de 2 corps opposés, alors banco, je me suis pris au jeu faisant confiance à mon admiration pour Pierre Raufast. D’abord dérouté par des termes et des explications scientifiques, j’ai essayé de trouver dans ce 1er tome d’une trilogie nommée Baryonique, du second degré, peut-être même une satire des développements technologiques illimités et de l’exploration de nouvelles formes de vie. Certains passages comme l’évènement déclencheur de la tragédie éponyme, le foisonnement de néologismes inhérents au changement de siècle ou encore les allusions de l’auteur à ses romans précédents, m’invitaient à croire à des péripéties fantaisistes et drôles. En réalité, et selon les dires mêmes de l’auteur, il s’agit là d’un roman tout à fait sérieux dans lequel je suis rentré petit à petit en saisissant l’ensemble des enjeux écologiques, technologiques, politiques liés à la conquête spatiale ; et en m’attachant aux personnages bien campés et qui représentent, souvent sous forme de binômes, chacun de ces enjeux. La force de ce roman est de se situer à la juste limite du pur SF et de ne pas nous laisser errer dans des méandres scientifiques imbuvables. La construction du roman qui alterne les chapitres entre la Terre, les ORCAs, et un autre potentiel espace-temps qu’il convient de ne pas divulguer pour l’instant, titille l’intérêt du lecteur. Le déroulement d’une intrigue sur la Terre permet d’ailleurs de se raccrocher au réel. L’introduction de différents points de vue donne aussi de la profondeur à ce roman, à l’image des Bernanos, groupe qui dénonce les dérives des progrès de la robotique, opposés à ceux qui voient dans la recherche scientifique et le minage de l’espace le moyen de résoudre les problèmes écologiques et de survie de notre espèce. Enfin, la qualité du roman est de rendre cet univers de 2170 non seulement plausible mais surtout optimiste. Au point de me donner finalement l’envie de lire d’autres romans du genre, chose qui n’était pas gagnée, et l’envie de poursuivre cette trilogie. Découvrez notre entretien avec Pierre Raufast Retrouvez nos chroniques ci-dessous

  • Entretien avec Pierre Raufast, écrivain passionnant et audacieux dont les histoires insolites nous invitent à réfléchir.

    L'auteur de La fractale des raviolis a publié cette année le 3ème tome de la trilogie baryonique, Le Dôme de la méduse ,  Aux Forges de Vulcain .  "J’aime jouer avec le lecteur, mêler informations vraisemblables et improbables" VS : Dès La fractale des raviolis , vous vous êtes démarqué pour votre talent à tirer des histoires insolites à partir d’anecdotes extraordinaires. Votre inventivité se ressent jusque dans votre style avec plusieurs types de narrations. L'incursion que vous faites dans la SF, est-ce un souhait de rompre avec ce style ou un moyen de nous surprendre encore ?      PR : C’était avant tout un souhait de changer de structure et de rythme. J’aime réfléchir à la manière de raconter une histoire, et cette approche m’a permis de me démarquer, surtout en débutant à 40 ans. Quand j’ai commencé à écrire, mon 1er roman faisait 3 pages. J’ai du mal avec les descriptions, je suis plutôt très synthétique et donc le format « nouvelles » me convenait mieux. Sauf que les nouvelles, en France, ça ne se vend pas bien. J’ai donc réfléchi à une astuce de structure permettant de transformer des nouvelles en roman. C’est la naissance de La Fractale des raviolis , avec cette structure en poupée russe qui maintient le suspense et pousse à lire chapitre après chapitre. Avec le temps, j’ai exploré d’autres structures, comme dans La variante chilienne , qui fonctionne comme des cailloux qu’on prend dans un bocal. Chaque caillou est une histoire. Et ainsi de suite avec Habemus Piratam et Les Embrouillaminis avec une structure plus complexe. Passer à la science-fiction m’a permis de renouveler le lieu, le temps, et d’adopter un style inspiré des séries télé avec des scènes qui alternent régulièrement pour donner du rythme et du suspense. Je voulais aussi un ton un peu plus sérieux en évitant les clichés, comme l’humour forcé des marvels. En général, quand je réfléchis à un thème, comme tout le monde, j'ai les 3 premières idées. Eh bien en fait, je les enlève car si je les ai eu en moins de 3 secondes, c'est que ce ne sont pas les bonnes, tout le monde aurait pu les avoir. Je regarde beaucoup de films et lis pas mal de romans qui m’aident en réalité à trouver les contre-exemples pour être original.  J’écris ce que j’aimerais lire : des histoires insolites qui invitent à réfléchir. Enfin, écrire de la SF est un truc assez excitant parce que ça s’inscrit dans un horizon plus lointain dans le temps, il faut inventer des univers, c’est challengeant intellectuellement. ​ "En général, quand je réfléchis à un thème, j'ai les 3 premières idées. Eh bien en fait, je les enlève car si je les ai eu en moins de 3 secondes, c'est que ce ne sont pas les bonnes" ​ VS : Comment votre trilogie baryonique a-t-elle été reçue par les lecteurs de SF ? Était-ce risqué ?   PR : La SF a ses codes et ses institutions, ce qui a rendu l’accueil varié. Certains ont apprécié l’approche philosophique et ont vu des idées neuves, d’autres moins. Mais je prends ces risques avec plaisir, car je n’écris pas pour vivre de ma plume. Cela me permet d’explorer librement de nouveaux domaines, comme la SF.   VS : Dans La trilogie baryonique, il y a clairement 3 cycles avec 3 tons différents. Le 1er pose le dispositif scientifique, l’intrigue, avec un côté tragique. Le 2ème, c’est la quête avec un côté polar, un « whodunit » à la Agatha Christie. Le 3ème, c’est l’espoir avec en toile de fond la question éthique. Qu’est-ce que vous voudriez que l’on retienne finalement de cette trilogie ?   PR : Je veux susciter des réflexions, notamment sur la panspermie [1] , un sujet fascinant et peu abordé. Il soulève des questions intéressantes sur l’origine de la vie sur Terre et le devenir de l’humanité. Mes livres offrent plusieurs niveaux de lecture : une histoire captivante avec un peu de suspense et des faits scientifiques plausibles et, pour les curieux, des pistes à explorer. L’épisode de la bière au début est un bon exemple. On peut le lire comme une anecdote un peu drôle mais derrière il y a une vraie question sur la naissance de la vie. (Les 2 personnages dégustent une bière et plaisantent sur le fait qu’une bière n’a jamais été bue aussi loin de la Terre. Le fait scientifique derrière cette anecdote, est que la bière, de par l’un des ses composants chimiques universels, les levures, est un marqueur de l’humanité et qu’il pourrait donc être le signe d’une existence extraterrestre).   VS : Votre imaginaire bluffant rappelle celui de Daniel Wallace ( Big Fish ). Comment concevez-vous cet équilibre entre fiction et réalité ? Autrement dit, vous êtes combien dans votre tête ?   PR : J’aime jouer avec le lecteur, mêler informations vraisemblables et improbables pour flouter la frontière entre vrai et faux. C’est un jeu littéraire stimulant.   VS : Vos romans offrent une expérience participative, culminant avec Les embrouillaminis , puisque le lecteur choisit les chapitres.  Peut-on aller encore plus loin ?   PR : Peut-être avec de la méta-littérature. Dans tous mes romans qui se passent dans la vallée de Chantebrie, je fais référence aux romans passés ou futurs aussi. En fait, j’écris mes romans en biseau. Il faut environ 3 ans pour écrire un roman avec les périodes de relecture. Si vous regardez bien, j’en sors un tous les 18 mois, ce qui signifie qu’il y a des périodes de recoupements. Cela me permet de faire des allusions ou de faire revenir des personnages. Ça veut dire qu’en fait il y a une histoire qui se raconte au-dessus de l’histoire. L’idée, peut-être, pour aller plus loin, serait de former l’histoire de cette vallée couvrant un siècle, en reliant les intrigues et les personnages.   ​VS : Pour reprendre l’image scientifique d’un atome composé de masses qui s’attirent et se repoussent, on va toujours très loin dans vos romans : les espaces sont très étirés, les possibilités d’histoires multiples, et les personnages très opposés. Et finalement tout se rapproche avec un rapport Infini et proximité. Dans un de vos romans, vous citez JL Borges, qui imagine une bibliothèque infinie où seraient rangés tous les livres, pensez-vous qu’il puisse y avoir un infini roman qui « rangerait » toutes les histoires, tous les personnages ?   PR : Oui, c’est ça, c’est l’idée de voir les livres comme des zooms, comme dans la nuit avec une lampe de poche qui éclaire différents endroits et la journée, on verrait l’ensemble du paysage. Il y a forcément un imaginaire sous-jacent qui régit tout et par exemple, pour mes romans, le fait de les avoir ancré dans une géographie récurrente favorise les ponts possibles entre les histoires et les personnages.   VS : Vos récits explorent destin et choix. Qualifieriez-vous vos romans d’existentiels ? Autrement dit, pensez-vous que nos vies sont prédéterminées ou façonnées par nos décisions ?   PR : Je me suis beaucoup posé cette question. Elle renvoie à la théorie du chaos qui comporte 2 grandes idées. Une des idées est qu’un battement d'aile de papillon au Japon entraîne un ouragan aux États-Unis, et que donc des microphénomènes peuvent déclencher des conséquences par effet boule de neige. Mais l’idée principale de cette théorie est de dire qu’il y a des attracteurs. Quel que soit l’endroit où nait un événement, il converge toujours vers une même chose. Prenez une avalanche. Qu’elle soit déclenchée par le sapin de droite ou de gauche, finalement elle arrivera toujours au pied du chalet. Si on fait le parallèle avec nos vies, je pense qu’il y a des attracteurs. Le 1er, c’est la mort. Il faut voir ça comme des portes de ski en slalom. Entre 2 portes, le skieur fait ce qu’il veut mais il passera toujours par la porte. Après l’enfance vient toujours l’adolescence. Et ensuite, on va vouloir vivre en couple, avoir le désir d’enfant… et ainsi de suite, la crise de la quarantaine, le divorce… Voilà, tout ça, ce sont des attracteurs. Tout le monde n’y va pas, mais globalement, tout le monde converge vers ses propres attracteurs. On peut connaitre des variations, mais on converge vers ce qui est propre à nous. J’aurais pu avoir une femme et des enfants différents mais je me serai quand même marié et j’aurai eu des enfants. Nos vies, au bout du compte, ne sont pas foncièrement bouleversées. Je crois beaucoup à ça. La seule chose qui peut changer, ce sont les décisions que l’on prend, mais en réalité, les décisions que l’on prend dans une vie se comptent sur les doigts d’une main.   VS : Vous êtes décrit comme un écrivain atypique et original. Les mots « loufoques », « jubilatoire », reviennent souvent. Comment recevez-vous ces qualificatifs ?   PR : Cela me flatte, car je recherche l’originalité, mais l’atypique reste une interprétation et ce n’est pas un jugement universel. J’accepte les critiques et reste conscient que tout le monde ne partage pas cet avis. Je m’aperçois que la diversité est dans le monde.   VS : Vous travaillez dans la cyber sécurité, vous donnez du temps à des passions comme l’informatique quantique, vous êtes romancier avec un travail préparatoire important, vous entretenez un blog avec des projets comme l’analyse de romans, vous avez aussi une vie privée. Pierre Raufast, vos recherches scientifiques vous ont-elles permises de trouver la formule pour suspendre le temps ? Plus sérieusement, comment gérez-vous votre temps ?   PR : Quand j’ai commencé à écrire, je ne me projetai pas sur une carrière d’écrivain. J’ai eu la chance que La Fractale des Raviolis marche et c’est parti comme ça. L’écriture est devenue un passe-temps et un besoin physique comme quelqu’un qui fait de la course à pied ou qui joue d’un instrument de musique. Ça ne prend pas plus de temps pour écrire. La journée, je travaille. J’écris principalement le soir et le week-end, et je prends parfois des jours de congé pour me consacrer à l’écriture. Ce qui m’aide, c’est que j’ai une approche très analytique et structurée de l’écriture.   "La diversité est dans le monde" ​ VS : Pouvez-vous m’en dire plus ?   PR : J’écris d’abord un synopsis très détaillé de chaque chapitre avant de rédiger. Par exemple, j’écris 3, 4 lignes pour chaque chapitre. Ça me permet de savoir exactement ce que je dois écrire. Il ne faut pas se louper car c’est là où je raconte l’histoire en fait. Ça demande beaucoup de boulot et de transpiration. En général, je fais ça pendant les vacances pour m’y consacrer toute la journée. Je dirais que ça représente 70% du boulot. Ensuite, je prends des plages de 2h et je commence à rédiger. Je déroule car je sais où je vais, 3 lignes deviennent 3 pages. Ce qui est très important, c’est de dissocier la créativité de la rédaction.   VS : Vous avez publié votre 1er roman, La fractale des raviolis , en 2014. 10 années et 9 romans plus tard, quel regard portez-vous sur votre parcours d’écrivain ?   PR : C’est passé très vite. C’est marrant car je me souviens très bien de chaque roman et de l’état d’esprit dans lequel je les ai écrits. Je suis fier de mes œuvres, chacune représente un investissement personnel. J’ai appris énormément au fil des années et j’ai hâte de continuer à explorer de nouveaux horizons littéraires.   VS : J’ai lu que c’était à force de lire des histoires à vos filles que vous avez commencé à inventer et à écrire, mais comment avez-vous réussi à franchir le pas, y a-t-il eu un déclic ?   PR : L’envie et le plaisir d’écrire. Quand on débute, il est difficile de savoir si ce qu’on écrit est bien ou pas. Je me suis lancé avec des concours de nouvelles. Systématiquement, mes nouvelles étaient classées dans le top 3. Ça m’a aidé à prendre conscience que mes histoires pouvaient avoir de l’intérêt. Comme les nouvelles, ça ne marche pas vraiment en France, j’ai essayé de trouver une recette pour les transformer en romans. C’est comme ça qu’est née La fractale des raviolis .   VS : Dans vos romans, à l’image de vos titres, les mots sont choisis, précis. Quel est votre mot préféré de la langue française ?   PR : « Embrouillaminis » parce qu’il est rigolo.   VS: Vous êtes régulièrement dans des rencontres littéraires, des salons, vous vous montrez très disponible (je vous remercie encore d’avoir accepté notre entretien), quelle question ne vous a-t-on jamais posée ?   PR : On me demande souvent quelles sont mes influences littéraires mais jamais les influences provenant d’autres formes d’art, comme la BD par exemple. La BD permet de se créer tout un imaginaire. Ce que j’adore en BD, comme Garfield par exemple, c’est qu’avec 4 blagues récurrentes, l’auteur fait des milliers de gag. La BD est d’une richesse créative incroyable. Je suis très admiratif de cet art.      [1] Théorie selon laquelle les premiers germes de la vie seraient venus sur la planète, à travers les espaces sidéraux, d’autres mondes où la vie existait déjà antérieurement. ​ Les quelques recommandations de Pierre Raufast glanées lors notre entretien : Le vieux marin de Jorge Amado  Klara et le soleil de Kazuo Ishiguro 100 ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez L’anatomie du scénario de John Truby Le guide du scénariste de Christopher Vogler​ Garfied de James Davis Entretien mené par Vincent SOUVERAIN RETROUVER L'ENSEMBLE DE NOS ENTRETIENS DANS NOTRE RUBRIQUE "PAROLE D'AUTEUR.E.S

  • Entretien avec David Foenkinos, écrivain « sensible » dont la vie a basculé à l’adolescence, jusqu’à changer son regard sur le monde.

    L'auteur de La Délicatesse, dramaturge, réalisateur, a publié cette année La Vie Heureuse, un succès en librairie. "La vie heureuse, c’est être libéré du jugement des autres" ​ David Foenkinos, vous avez publié dernièrement La Vie Heureuse, roman qui caracolait en tête des ventes en ce début d’année 2024 (en numéro deux). Vous y évoquez la mise en scène à la mode coréenne de sa propre mort pour reprendre goût à la vie. Cette quête du bonheur, cette pulsion de vie, ce sont des thèmes que l’on retrouve dans tous vos livres d’une manière ou d’une autre. Pourquoi ? ​ Au sujet de ce rituel, j’ai vu des documentaires, j’ai lu des forums coréens. Les images sont très impressionnantes et je ne voulais surtout pas que mon livre soit vécu comme un moment anxiogène. Au départ, cette mise en scène en Corée du Sud est utilisée pour soigner un mal-être. Le taux de suicide y est assez élevé et il s’agit d’une thérapie de choc que j’ai trouvée très belle. La personne est dans son cercueil, elle a rédigé une lettre d’adieu, c’est le silence autour d’elle. J’ai moi-même vécu une expérience de mort quand j’étais plus jeune, dont je parlais peu avant. Je l’ai évoquée en interview plusieurs fois ces dernières années car elle fait partie de moi, elle m’a propulsé vers une nouvelle énergie, une pulsion de vie oui, un rapport différent aux autres.   ​ "  J’ai senti quelque chose en moi qui a été déverrouillé avec cette expérience de mort, à l’âge de 16 ans. Je suis resté pendant des mois à l’hôpital et j’ai lu. Lire m’a sauvé" ​ ​ Cette expérience de mort vous a entraîné vers une boulimie de la vie, dites-vous, et vers la volonté de chercher le beau en toutes choses. Qu’est ce qui est le plus beau à vos yeux ? ​ C’est la sensibilité. J’ai senti quelque chose en moi qui a été déverrouillé avec cette expérience de mort, à l’âge de 16 ans. Je suis resté pendant des mois à l’hôpital et j’ai lu. Lire m’a sauvé. Et alors que je lisais, bizarrement mon regard a changé. J’ai commencé à souligner des phrases. Avant j’étais complètement hermétique à l’écriture et à la poésie. Je n’étais pas issu d’un milieu culturel et je n’étais peut-être pas formé à ça. Ce rapport à la littérature, ensuite, ne m’a plus jamais quitté et ça s’est étendu à la musique, à la peinture, aux musées. J’avais changé de point de vue. J’étais devenu sensible à la beauté. Je me suis mis à écrire des lettres, des nouvelles, j’ai développé une imagination. J’ai écrit La Délicatesse très rapidement et ça a toujours été très étrange pour moi. Je suis content d’avoir touché beaucoup de gens avec ce livre. Et en même temps je me sens étranger à toute l’ampleur que ça a pris. Quand tu vends des millions de livres ça devient très bizarre tout d’un coup. Tu te demandes ce qui t’arrive, pourquoi ça arrive.   Vous avez vécu ça comme un cadeau ? ​ Un peu, oui. Je ne veux pas prétendre que mon travail est extraordinaire. Je comprends tout à fait qu’on puisse ne pas aimer mes livres. Ce que je veux dire, c’est que j’ai un double rapport aux choses. Je me rends bien compte dans les salons par exemple, que les files d’attente sont importantes quand je dédicace mes bouquins. Et en même temps, dès que je sors, je ne me sens plus du tout connecté à ça. Je suis tout le temps avec mes enfants, je fais les courses, le ménage. Je me sens parfois un peu comme un témoin de ce qui m’arrive. Mon obsession ce sont les projets d’avenir, pas le passé, pas ce que j’ai fait.   Vous avez écrit une vingtaine d’ouvrages, votre carrière a réellement décollé avec La Délicatesse en 2009, et puis vous avez obtenu le prix Renaudot pour Charlotte en 2014. Vous êtes un écrivain très apprécié des Français (et traduit également). Quels écrivains français appréciez-vous parmi vos contemporains ? ​ Je lis beaucoup, j’ai beaucoup d’amis dans le milieu littéraire et j’apprécie mes contemporains, de Karine Tuil à Joël Dicker. Je participe souvent à des prix littéraires, j’ai été très heureux de présider le prix du Livre Inter en 2023, je suis dans le prix Flaubert, etc, j’adore ça. Et puis, en général, vers le mois de mai, je relis plutôt les auteurs que j’aime depuis toujours. Gary, Roth, Cohen, Kundera… J’ai le sentiment que les auteurs qui nous accompagnent toute notre vie sont ceux qu’on rencontre entre 15 et 20 ans. J’ai arrêté de me dire que je devais tout lire, tout connaître, je tourne autour des quelques auteurs qui me touchent vraiment, je me sens bien avec eux, comme en famille.   " Albert Cohen m’a fait comprendre la possibilité humoristique de la littérature, je me souviens d’avoir pleuré de rire en lisant Belle du Seigneur. C’est inoubliable. Ça a changé ma vie. Et ça m’a inspiré" ​ Est-ce qu’un roman a changé votre vie ? ​ A 16 ans, j’ai lu L’insoutenable légèreté de l’être et j’ai eu l’impression qu’il me parlait sur tous les plans, aux niveaux philosophique, émotionnel, dans le rapport aux femmes… Par la suite j’ai eu la chance extraordinaire de connaître Milan Kundera, c’est une des plus belles choses que j’ai pu vivre. Albert Cohen m’a fait comprendre la possibilité humoristique de la littérature, je me souviens d’avoir pleuré de rire en lisant Belle du Seigneur. C’est inoubliable. Ça a changé ma vie. Et ça m’a inspiré. Beaucoup d’auteurs ont été très importants.   Quel livre êtes-vous heureux d’avoir écrit ? ​ Charlotte, sans hésiter. C’est huit ans de recherches, de travail, animé par une admiration sans faille pour elle, en étant désespéré qu’on l’ai tant oubliée. Je me suis dit que les lecteurs de La Délicatesse n’allaient jamais me suivre pour ce projet. Et le succès du livre s’est révélé bien au-delà des mes attentes. J’ai réussi à convaincre Audrey Tautou de revenir sur scène pour incarner Charlotte récemment au théâtre. Et toute une partie de la jeunesse s’est emparée de ce livre… ça me trouble, c’est bouleversant.   Malgré les prix, malgré l’affection des lecteurs, la critique est parfois très dure avec vous. Marianne a écrit : « C’est un écrivain si doué qu’on dirait du Kev Adams ». Qu’est-ce que vous pensez de ces mots ? ​ J’ai eu tous les prix pendant dix ans, j’avais une presse extraordinaire. La Délicatesse était le seul livre de la rentrée 2009 à se retrouver sur toutes les listes des prix littéraires. La critique était unanime. Et puis j’ai vendu des millions de livres, et là, la critique s’est un peu déchaînée. C’est normal d’être critiqué et jugé. Ça ne me pose pas de problème. Je suis un auteur très grand public, mais j’ai eu le prix Renaudot, je fais des émissions littéraires, des films qui marchent. Je ne venais de rien, j’ai eu énormément de succès. Et l’animosité vient parfois avec. Tout ce que j’attends, c’est l’honnêteté intellectuelle de ceux qui formulent ces critiques. Quand c’est le cas, ça ne me gêne pas. Par ailleurs, c’est extraordinaire d’être respecté par une grande partie de la presse littéraire, et d’avoir autant de lecteurs. Le succès, l’échec, tout peut être problématique. La vie heureuse, c’est être libéré du jugement des autres.   On lit au gré des articles que vous êtes loufoque et délicieux (Le Monde), fou et mou (votre éditeur), mystique, incontournable, gentil, un oreiller doux dans un monde en bois (Europe 1), passionné, musical. Vous vous disiez vous-même instable, fatigué des autres. Comment vous décririez-vous aujourd’hui, David Foenkinos ? ​ C ’est difficile. Il y a la part professionnelle, je m’y sens très épanoui. La vie personnelle est parfois compliquée. Mais je me sens assez apaisé, je me libère de beaucoup de choses. Je vais avoir 50 ans, et je ressens une urgence de vivre en appréciant vraiment les années qui s’annoncent.   Quel est votre rapport à la langue française ? ​ C’est au cœur de ma vie. Quand je me déplace à l’étranger, c’est très important pour moi de me dire que je représente la littérature française, la langue française.   Votre mot préféré ? ​ J’aime le mot « peut-être ». Le visuel est très important pour moi. J’aime le trait d’union de ce mot, l’indivision, les deux rives, les deux possibilités. Il y a quelque chose de l’univers du possible. Ce mot représente exactement ce qu’il décrit, visuellement. La possibilité c’est ma passion. J’ai d’ailleurs écrit Le potentiel érotique de ma femme ! Le potentiel, c’est mon tru c.   Quels sont vos projets, on peut en parler ? ​ Ah bah c’est marrant, je viens de me remettre à écrire. J’aime beaucoup l’astrologie, la numérologie. Il n’est pas exclu qu’il y ait un lien. Je vais essayer de sérieusement avancer cet été. Je travaille aussi avec mon meilleur ami, Florian Zeller, réalisateur qui vit aux États-Unis et qui a eu deux Oscars, sur un projet de série. On verra ce qui en sort. J’ai travaillé sur beaucoup de projets qui ne se sont jamais faits. Mais j’ai la chance incroyable d’être très libre, de ne pas avoir de comptes à rendre. Je n’ai plus de pression, d’angoisse, j’ai une forme de lâcher-prise assez plaisante. Je m’en rends compte…   Vous êtes partout à la radio, à la télé, dans la presse écrite. Quelle question ne vous a-t-on encore jamais posée ? ​ (Longue hésitation) Je sèche totalement…. Que ne m’a-t-on jamais demandé ? Envisagez-vous une carrière de joueur de paddel ? Voilà, je vais m’y mettre tiens, je change de carrière, un scoop pour vous ! Entretien par Mélanie LESOIF. RETROUVER L'ENSEMBLE DE NOS ENTRETIENS DANS NOTRE RUBRIQUE "PAROLE D'AUTEUR.E.S

  • Samedi 2 novembre : des solitudes et des hommes - Chronique de Mathieu

    Parmi d'autres solitudes - Yves Harté Editions Le Cherche Midi Chronique de Mathieu : Il n’est pas donné à tout le monde d’avoir le goût de la solitude, mais chacun d’entre nous devra y faire face dans sa vie. Je ne vais pas m’étendre sur ce court roman pour ne rien gâcher. Voici juste quelques mots qui je l’espère vous donnerons envie. L’auteur nous emmène à la rencontre de solitudes, la sienne et d’autres. Il traite les causes, les effets et la substance de celles-ci. L’écriture est grave mais jamais mélodramatique, je lui ai trouvé beaucoup de charme et de sincérité. A l’opposé de tout ce que l’on peut chercher dans un « page-turner », ce roman ténu saura séduire ceux qui préfèrent quitter la soirée à l’heure où d’autres commencent tout juste à s’amuser pour retrouver leur lecture en cours… Retrouvez nos chroniques ci-dessous

  • 26 octobre 2024 - On l'a fait ! On a tout lu, tous les lauréats du Livre Inter depuis 50 ans. Le Prix des Prix Livre Inter est décerné à Jean-Baptiste Del Amo pour Règne animal.

    Ils s'étaient donnés rendez-vous dans 1 an. Comme prévu, les membres du Jury du Livre Inter 2023 ont relevé leur défi fou,   lire les 50 livres Inter depuis la création de ce prix et élire le Prix des Prix ! Réunis le 26 octobre 2024 à Paris, ils ont âprement débattu pour choisir le grand vainqueur parmi les 8 finalistes. Figuraient dans cette liste : La petite marchande de prose  de Daniel Pennac, prix du Livre inter 1990 Sombre dimanche  d'Alice Zeniter, prix du Livre Inter 2013 Jacob, Jacob  de Valérie Zenatti, prix du Livre Inter 2015 7  de Tristan Garcia, prix du Livre Inter 2016 Règne animal , prix du Livre Inter 2017 Avant que j'oublie  d'Anne Pauly, prix du Livre Inter 2020 Attaquer la terre et le soleil  de Mathieu Belezi, prix du Livre Inter 2023 Aliène de Phoebe Hadjimarkos Clarke, prix du Livre Inter 2024 Il aura fallu 3 heures de discussions et 3 tours de scrutin très serrés pour choisir le grand lauréat de cette folle aventure, et c'est Jean-Baptiste Del Amo pour Règne animal, qui remporte le Prix avec 8 voix contre 7. Les jurés ont été subjugués par la puissance et la beauté de ce texte malgré un sujet difficile, les dérives d'une agriculture intensive au sein d'une famille dysfonctionnelle. Cécile M.   ne cache pas son étonnement face à " un jeune homme capable d'écrire à la Flaubert"   avec un sujet extrêmement contemporain. Bastien , pour qui ce sujet a raisonné avec sa propre histoire, a été emporté par la narration fluide s'écoulant sur presque un siècle, par cette " écriture très charnelle ". Il relève enfin la polysémie et la pertinence du titre, Règne animal ou plutôt fin d'un règne ? Delphine a ressenti très profondément la boue, la violence et a adoré cette saga familiale qu'elle qualifie de magistrale. Christian confesse sa conversion au végétarisme après la lecture ce roman qu'il a trouvé d'une très grande maitrise. Bernard se dit étourdi par la beauté de la langue magistralement maitrisée. Il souligne le fatalisme de personnages résolument attachés à la terre. Aucune échappée est possible, personne n'en ressort indemne, pas même le lecteur. Vincent , pour qui ce sujet avait tout pour le rebuter, a été saisi dès la première page et n'a plus lâché ce roman jusqu'à la dernière ligne. Ce roman est l'exemple qu'on peut faire quelque chose de magnifique avec un sujet très sombre. Il souligne enfin la réflexion que ce texte pose sur l'animalité. Pierre relève le parallèle entre l'humain et le monde animal. Une lecture qui n'est pas facile et qui se lit à hauteur de cochon ! Cécile H . a trouvé ce roman très documenté. Elle met en avant le pouvoir de la littérature à nous décrire et nous faire aimer des scènes qu'il nous serait insupportable de voir à l'écran ou dans la vie. Elle voit dans l'enfermement des personnages et ce côté résolument sombre, un message sur le déterminisme social. Pour Céline , ce roman est un tour de force qui explore l'héritage de la violence. Ce roman n'a laissé aucun juré insensible et c'est sans doute là sa plus grande force.

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